Indemnisation en cas de dysfonctionnement de l’ANTS : L’État peut être tenu responsable

Dans un contexte où de nombreux usagers rencontrent des difficultés avec l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), il est essentiel de rappeler que les retards anormalement longs dans le traitement des demandes de permis de conduire peuvent ouvrir droit à une indemnisation. Et cette indemnisation peut être demandée non seulement à l’ANTS, mais également à l’État lui-même.

⚖️ Le principe : une responsabilité partagée entre l’ANTS et l’État
Lorsqu’un usager sollicite la délivrance d’un titre sécurisé (comme un permis de conduire), plusieurs étapes sont mises en œuvre :

l’enregistrement de la demande via la plateforme de l’ANTS,

la transmission des données aux services de l’État,

l’instruction du dossier par l’administration,

l’édition et l’acheminement du titre par l’agence.

Dans ce cadre, plusieurs acteurs interviennent successivement, et les causes d’un dysfonctionnement peuvent être multiples. L’usager, lui, n’est pas en mesure d’identifier précisément l’auteur de la faute, qu’il s’agisse d’un manquement de l’agence ou de l’administration de l’État.

🧾 Le recours indemnitaire : un seul destinataire en apparence… deux en droit
Le Conseil d’État a rappelé que lorsqu’un usager adresse une réclamation préalable à l’ANTS pour obtenir la réparation d’un préjudice lié à un dysfonctionnement ou un retard, cette demande doit être considérée comme également adressée à l’État.

👉 Cette règle découle des principes posés notamment pour d’autres autorités administratives telles que Pôle Emploi (CE, 28 mai 2018, n° 405448) ou une ARS (CE, 26 février 2020, n° 422344).

🕒 Réclamation préalable et silence de l’administration
Conformément à l’article L. 114-2 du Code des relations entre le public et l’administration, l’ANTS doit transmettre la réclamation à l’autorité compétente de l’État.

Si celle-ci ne répond pas dans un délai de deux mois, son silence vaut rejet implicite (article L. 231-4 du même code).

⚖️ Le rôle du juge administratif
En cas de saisine du juge administratif à la suite d’un rejet implicite ou explicite, les conclusions indemnitaires dirigées contre l’ANTS doivent être regardées comme également dirigées contre l’État.

Il appartient alors au tribunal administratif de communiquer la requête aux deux entités : l’ANTS et l’État.

🧑‍⚖️ Illustration jurisprudentielle : TA de Nancy
Dans une affaire récente, le Conseil d’État a annulé un jugement du tribunal administratif de Nancy qui n’avait examiné qu’une demande dirigée formellement contre l’ANTS, sans reconnaître qu’elle devait aussi viser l’État. Le requérant, dont la demande de certificat d’immatriculation avait été traitée avec un retard injustifié, était donc fondé à obtenir une indemnisation.

✅ Ce qu’il faut retenir
Vous pouvez demander réparation à l’ANTS en cas de retard déraisonnable dans le traitement de votre permis.

Cette demande vaut également recours contre l’État, même si elle n’est pas expressément formulée comme telle.

Le juge administratif doit analyser la responsabilité de l’un et de l’autre, et pas seulement de l’ANTS.